16/07/2010
Je viens de retrouver ce texte que j’avais écrit en 1994 pour accompagner le dossier de rendus des projets de “mes“ étudiants à l’Ecole Régionale d’Arts Plastiques. J’y pratiquais un cours intitulé « Approche scientifique des arts plastiques », tout un programme. Pour preuve cette ronde de mots nocturnes (si modestes !) :
Un jour, une nuit. Une étoile là-haut me clignait de l’œil. Je regardais autour de moi pensant qu’elle parlait à une autre personne et pourtant c’est bien à moi qu’elle s’adressait. Je fermais les yeux et je sentis une brise me caresser la nuque, elle me contait déjà l’histoire d’un hier si proche, d’un demain bien plus. Il y a si longtemps. C’était à l’instant et déjà j’étais loin, si loin. Ma petite étoile me rêva l’histoire d’un homme qui de Venise à Damas en passant par Athènes flirtait avec la Lune. Il en était terriblement amoureux, il ne vivait qu’en elle. La nuit il dormait dans ses bras, le jour il parlait de sa maîtresse à tous ceux qu’il croisait dans la rue. La tête vers le ciel, les yeux envoûtés par sa reine et ses sujets, il contemplait le temps qu’il habitait depuis le jour de ce premier regard, de ce premier baiser. Depuis le temps était en lui ; la moindre seconde il la respirait, ainsi que le moindre nuage, le moindre souffle. Il était là pour l’éternité. Et l’espace de la Place Saint Marc à la mosquée des Ommeyades en passant par la Plaka n’était que le reflet de sa forteresse intime apprivoisée. La folle histoire du monde se poursuivait à une vitesse affolante. Les hommes avaient oublié la Terre et ses compagnons dans un univers qu’ils n’avaient de cesse de démonter à coup d’évolution incontrôlée. Encore et encore plus sans jamais vivre la vie. L’amant de la Lune errait à travers ces paysages ensorcelés par une soif de fausse modernité. Il pleurait ce monde triste de n’avoir su un jour s’arrêter et oublier. Ses larmes étaient peut-être le dernier espoir que personne ne voulait voir. Alors, le cœur blessé, il se réfugiait auprès de son amour. Un mot , un sourire et l’espoir à nouveau. Une nuit bleue, une étoile morte ; l’infini encore là, la vie plus que jamais. Il était déjà sur la route vers d’autres contrées où quelqu’un peut-être écoutera son iliade. Depuis, la Lune me paraît si belle et je pense à cet homme qui un jour me contera sa vie. Un jour. Histoire d’un oubli.
Claude Yacoub
Architecte