06/12/2010
Une claque, une sacrée gifle que ces trois jours passés en Casamance.
Que d’images vécues… Des nids d’éléphants comme ponctuation sur des routes où l’asphalte (quand il y en a) ressemble à une nappe froissée par des dieux invisibles. À croire que la terre est en continu séisme et que les hommes y rebondissent au gré de ces accidents de la circulation du temps.
Des femmes belles, mais belles. Magnifiques, sublimes, aux corps de déesses. Des princesses d’ébène de royaumes déchus…
Un baptême fêté dans la rue avec des danses saccadées, frivoles, sexuelles, folles. Les hommes absents, un passant me dit “ils s’en foutent“ pour m’expliquer la disparition de la gente masculine. Il faudrait être énuque, et encore, pour ne pas se sentir happé par ce tourbillon féminin.
De délicieux mets comme ces “poulets bicyclettes“ (à la broche) ou ces “poulets télévisés“ (au four micro-onde), des épices ennivrantes, des saveurs bouleversantes.
Et ces enfants qui m’appellent “Toubab, Toubab“ avant de s’enfuir en riant.
Ils prient, partout, à toutes les heures, sans arrêt. Juste un journal ou un carton comme tapis de prières. Je me suis alors rappelé cette blague que m’a raconté récemment un ami musulman : mettre quatre feuilles de carbone sous le tapis afin de ne faire qu’une prière par jour !
Et ces autres enfants mendiants, petits, tous petits, confiés par des parents désœuvrés à des marabouts pour soit-disant leur apporter une éducation religieuse. Et ces derniers de les jeter à la rue pour leur ramener un butin journalier bien précis, sous peine de sévices.
Et toutes ces images se bousculent. Je ne suis pas encore parti que je sais que je reviendrai. C’est la première fois de ma vie qu’un lieu m’appelle, me retient, me hante au point de savoir que mes pas ramèneront me sous ces cieux.